Dans la plupart des pays, il existe une exception pour la recherche en matière de brevets qui permet d’effectuer des recherches sur (/avec) du matériel breveté sans enfreindre les droits du titulaire du brevet. La Belgique disposait de l’une des plus vastes exceptions, dans le but de stimuler la recherche et l’innovation. Cela a changé avec le lancement du système de brevet unitaire (UPC).
En résumé :
- À partir du 1er juin 2023, toute expérimentation « sur » l’objet de l’invention brevetée (c’est-à-dire les actes à des fins expérimentales portant sur l’objet de l’invention brevetée) sera exemptée, même si celle-ci est effectuée dans un contexte purement commercial. Il s’agit en soi d’un élargissement par rapport à l’ancien texte législatif.
- Il y a par ailleurs un rétrécissement par rapport à l’ancien texte législatif : à partir du 1er juin 2023, l’exception pour la recherche en matière de brevets sera considérablement réduite en ce sens que les actes « avec » l’objet de l’invention brevetée ne tomberont plus sous la règle de l’exception.Note : pour de telles activités (appelées « research tools» (outils de recherche)), vous aurez besoin de l’accord du titulaire du brevet à partir du 1er juin 2023 !Veuillez noter que la nouvelle règle est sous réserve des « droits acquis ». Les actes qui ont déjà été entamés avant le 1er juin 2023 dans le cadre de l’ancienne exemption resteront manifestement exemptés. La question est toutefois de savoir dans quelle mesure ces droits acquis s’étendent.
- Examinez donc l’impact des nouvelles réglementations sur vos activités de recherche actuelles et futures. Risquez-vous d’être accusé de contrefaçon ou êtes-vous en sécurité ?
- En ce qui concerne la recherche sur les médicaments génériques et biosimilaires, vous pouvez considérer que vous êtes en principe exempté par l’exception dite de Bolar, qui est également d’application en Belgique.
L’exception Bolar concerne l’exemption accordée aux essais (pré)cliniques dans le but de développer et d’accorder une autorisation de mise sur le marché (belge ou européen) pour les médicaments génériques et biosimilaires.
- En ce qui concerne la recherche liée aux médicaments innovants – avec les essais cliniques et les études précliniques nécessaires – la situation est moins claire.
- L’exception Bolar classique ne s’applique pas dans ce cas.
- L’exception pour la recherche telle qu’elle est d’application en Belgique semble vous donner le feu vert dans la plupart des cas : tous les actes accomplis dans le but d’évaluer des médicaments sont considérés comme des actes accomplis à des fins expérimentales en rapport avec l’objet de l’invention brevetée tel qu’il est autorisé par l’exception pour la recherche [d’application en Belgique].
- Mais attention : cette interprétation plus large de l’exception pour la recherche ne s’applique qu’aux brevets nationaux belges et aux brevets régis par la législation belge => donc pas aux brevets qui seront appliqués devant l’UPC, mais plutôt aux brevets qui seront appliqués devant les tribunaux belges (donc pas aux brevets européens « opted-out »).
En d’autres termes, le choix de la juridiction compétente a un impact sur l’étendue de l’exception Bolar !
- Le risque que vous courez : si le titulaire du brevet entame une procédure devant la Juridiction unifiée du brevet (UPC) – sur la base d’un brevet unitaire ou d’un brevet européen valable en Belgique – il est exclu que la législation belge plus libérale soit appliquée, même si la procédure est entamée dans la juridiction belge.
- Pourquoi ? Parce que la législation belge est en conflit avec les réglementations internationales plus strictes auxquelles la Belgique a souscrit en adhérant au UPC Agreement (UPCA). C’est alors la loi supérieure (« higher ranking law ») qui s’applique.
L’article auquel nous faisons référence ci-dessous, rédigé par Stijn Lagaert (Conseil en brevets belge et européen), aborde les controverses relatives à ce sujet en se basant sur des situations accessibles et reconnaissables dans l’industrie. La prudence nous semble de mise et l’avenir nous dira comment tout cela se déroulera dans la pratique. Nous vous recommandons de prendre un moment pour vérifier ou revérifier si vous courez un risque (ou non).
Nos remerciements vont également à Maître Christophe Ronse (juriste, expert en IP & Dispute Resolutions) pour la discussion intéressante sur ce sujet et pour les ajouts sur le plan juridique.