Avec une estimation de 2000 emplois à pourvoir en 2024 en Wallonie et à Bruxelles, le Baromètre de l’Emploi d’essenscia confirme le rôle clé joué par le secteur de la chimie et des sciences de la vie pour soutenir le marché de l’emploi. Mais si les entreprises confirment leur intention d’engager 6000 personnes au cours des 3 prochaines années, elles craignent à terme de revoir leurs ambitions faute de candidats disponibles, principalement en production. La fédération sectorielle liste les mesures prioritaires à mettre en œuvre par les prochains gouvernements pour remédier de manière structurelle à ces pénuries afin de conserver le leadership et la compétitivité de ses entreprises qui développent leurs activités en Belgique.
Avec la création de près de 4500 emplois en Wallonie et à Bruxelles au cours des 7 dernières années, le nombre d’emplois directs dans le secteur de la chimie et des sciences de la vie est en hausse constante. En 2023, plus de 33 000 personnes travaillaient dans les entreprises wallonnes et bruxelloises de ce secteur, qui représente un quart de l’emploi industriel rien qu’en Wallonie et 75 000 emplois indirects. Une croissance qui ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin à en croire les résultats de l’enquête Baromètre de l’Emploi menée par essenscia auprès de ses entreprises membres basées en Wallonie et à Bruxelles.
Rien que pour l’année 2024, les entreprises interrogées – en majorité biotech et biopharma – déclarent avoir l’intention de recruter au moins 2000 personnes, dont 1/3 pour de nouveaux postes et 2/3 pour des postes existants. Les prévisions pour les 2 prochaines années semblent confirmer cette tendance, avec 2000 recrutements estimés par an pour 2025 et 2026.
Croissance conditionnée
Ce niveau élevé de recrutement s’explique en partie par les investissements majeurs réalisés ces dernières années sur les sites de développement et de production principalement wallons, par un phénomène démographique entraînant le départ à la retraite d’une frange des collaborateurs, ainsi que par l’éclosion de nouveaux métiers nés de la transition digitale et climatique.
Les entreprises interrogées soulignent que ces prévisions réjouissantes sont directement conditionnées à l’évolution du contexte économique particulièrement tendu pour les entreprises: hausse des coûts du travail et de l’énergie, renforcement de la concurrence, baisse de la demande sur certains marchés. Mais ce qu’elles pointent avant tout, au-delà des facteurs économiques, c’est leurs difficultés croissantes à trouver les talents recherchés, avec une liste de métiers en pénurie qui a tendance à s’allonger au fil des années.
Des jobs pour tous
Si le cliché d’un secteur réservé à des profils bardés de diplômes à la dent dure, la tendance dévoilée par ce baromètre emploi démontre tout le contraire. Les recrutements concernent tous les niveaux de qualifications. Quand on examine en détail les diplômes, le bachelier reste le profil le plus recherché (32%), suivi par le master (25%), l’ingénieur (10%) et le doctorat (7%). Quant au dernier quart de ces recrutements, il concerne des emplois accessibles aux personnes moins qualifiées, dotées d’un certificat de l’enseignement obligatoire. Au niveau du degré d’expérience exigée, 1 emploi sur 5 ne requiert aucune expérience préalable, en grande majorité dans les métiers liés à la production.
Warning pour les métiers de la production
Et c’est précisément là que le bâts blesse et que les difficultés à trouver les candidats se font sentir. En 2023, 1 recrutement sur 10 s’est soldé par un échec, en particulier pour les jobs en production. Et parmi les profils hautement recherchés, on retrouve sans surprise les techniciens (production, maintenance, électromécanicien, opérateurs,…) et les ingénieurs (production, process, IT, automation). Or la demande pour ces profils ne cesse de croître. En 2024, près de 3 jobs à pourvoir sur 4 (72%) concernent des métiers liés à la production, contre 60% en 2023.
Comment les entreprises expliquent-elles cette difficulté de recrutement récurrente? En majorité par des causes structurelles: un manque de candidats qui postulent (71%), un manque de candidats expérimentés (56%) ou dotés des compétences techniques requises (56%). Les entreprises pointent également le manque de compétences liés à l’environnement industriel (36%), le manque de candidats juniors compétents (29%) et le manque de soft skills (20%), ce qui démontre l’importance d’adapter le modèle de l’enseignement et d’intégrer davantage le monde de l’entreprise dans les programmes de cours.
Talents: une priorité politique absolue
Le Baromètre de l’Emploi d’essenscia rappelle une nouvelle fois l’ironie de la situation en Belgique et en Wallonie. D’un côté, un secteur en pleine croissance doté d’un réel leadership européen et mondial qui continue d’investir dans ses sites en Wallonie et à Bruxelles. De l’autre, un manque de plus en plus criant de main d’oeuvre qualifiée pour répondre aux besoins de cette expansion. Un dilemme structurel qui mérite de figurer au sommet des priorités de nos prochains gouvernements -wallons, bruxellois et celui de la Fédération Wallonie Bruxelles -, au risque de mettre à mal la compétitivité du secteur et de freiner de nouveaux investissements en Wallonie comme à Bruxelles.
Frédéric Druck, directeur d’essenscia wallonie-bruxelles : “Nous nous réjouissons de voir que la croissance des emplois à pourvoir dans notre secteur se poursuit en 2024. Mais nous voyons en même temps les warnings envoyés par nos entreprises s’intensifier, avec des listes de métier en pénurie qui s’allongent. Si nous voulons conserver le leadership de notre secteur et sa contribution à notre économie, les prochains gouvernements wallon, bruxellois mais aussi celui de la Fédération Wallonie-Bruxelles, devront impérativement s’aligner sur un plan talents commun avec des mesures pragmatiques qui répondent aux besoins de la réalité économique du terrain“.
Mettre en place une stratégie STEM commune à tous les gouvernements et administrations, liée à des indicateurs de suivis permettant d’évaluer les actions menées et de prioritiser les programmes concluants ;
Rapprocher les mondes de l’enseignement et de l’industrie :
- Réassigner les responsabilités de l’enseignement supérieur et de l’économie à un même ministre.
- Encourager les thèses de doctorat et les stages de plus de 6 mois en entreprise.
- Créer des filières spécialisées dans les métiers de l’industrie pour enrichir l’offre éducative (seuls 2 masters disponibles en Fédération Wallonie Bruxelles).
- Promouvoir la formation en alternance dans l’enseignement supérieur et mettre en place des incitants financiers pour les entreprises pour encourager leur participation à ces programmes
- Faire de l’insertion des jeunes diplômés une mission des universités
Augmenter le budget de l’accord de coopération entre la Région Wallonne et la Fédération Wallonie-Bruxelles sur l’enseignement supérieur pour permettre aux enseignants et aux étudiants d’accéder aux formations proposées dans les centres de compétences.
Simplifier les procédures administratives pour l’obtention des permis de travail : processus accélérés de délivrance de permis avec certains pays, permis de travail unique.
Menée chaque année par essenscia auprès de ses membres pour connaitre leurs perspectives de recrutement, l’enquête Baromètre de l’Emploi 2024 a récolté les données d’entreprises représentant 65% de l’emploi du secteur. Le nombre réel de postes vacants dans le secteur est donc probablement encore plus élevé que les résultats.